Si en principe, le délai laissé à l’administration pour exercer son droit de préemption urbain est de deux mois à compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner, ce délai peut toutefois être suspendu.
Le titulaire du droit de préemption peut en effet, dans le délai de deux mois prévu à l’article L.213-2 du code de l’urbanisme, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière, documents qui sont mentionnés à l’article R.213-7 du même code.
Le délai est alors suspendu à compter de la réception par le propriétaire de cette demande unique ; il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision
Le titulaire peut également demander à visiter le bien visé dans la DIA ; cette demande est adressée par écrit au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu’au notaire mentionné dans la DIA (article D.213-13-1 du code de l’urbanisme), et doit reproduire les informations prévues à l’article R.213-13-4 du même code.
Le délai est alors suspendu à compter de la réception de la demande de visite du bien, et reprend à compter du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption (article L.213-2 et D.213-13-1 du code de l’urbanisme). Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision.
Le silence du propriétaire pendant 8 jours à compter de la réception de la demande vaut refus de visite (article R.213-13-3 du code de l’urbanisme). Si la visite a lieu, elle doit avoir lieu dans les 15 jours calendaires suivant la réception de la réponse positive écrite l’acceptant (article D.213-3-2 du même code) ; l’absence de visite dans ce délai vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite et alors, le délai suspendu reprend son cours.
Une décision du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est venue apporter plusieurs éclaircissements sur ces démarches et leur influence sur le délai offert à l’administration pour préempter un bien.
Dans cette espèce, l’administration avait d’une part, demandé aux vendeurs de lui transmettre l’intégralité des pièces mentionnées à l’article R. 213-7 du code de l’urbanisme, annexant à son courrier le texte de cet article, sans préciser quelles pièces étaient manquantes alors que la DIA contenait des pièces. En outre, il était demandé la production de pièces manifestement sans objet avec le bien cédé.
Dans la mesure où, durant l’instance, l’administration n’avait pas démontré en quoi la DIA aurait été incomplète ou entachée d’une erreur substantielle, la demande de l’intégralité des pièces a été considérée comme n’ayant pu avoir pour effet de suspendre le délai de préemption.
L’administration avait d’autre part, fait une visite du bien ; à défaut de réponse à la demande de visite dans le délai de huit jours imparti par les dispositions de l’article D. 213-13-3 du code de l’urbanisme, un refus tacite d’autoriser la visite était née.
Si postérieurement à ce refus tacite, les vendeurs ont finalement accepté la visite, le Tribunal a jugé que cette circonstance, eu égard à l’objectif poursuivi de garantir aux propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l’objet d’une décision de préemption, qu’ils puissent savoir de façon certaine et dans les plus brefs délais s’ils peuvent poursuivre l’aliénation entreprise, n’avait pu avoir pour effet de suspendre le délai de préemption, qui avait recommencé à courir à compter du refus tacite d’autoriser la visite.
En l’espèce, la décision par laquelle l’administration avait décidé d’exercer son droit de préemption a été déclarée illégale car intervenue hors délais, malgré l’utilisation des mécanismes précités. Son annulation a ainsi été prononcée (TA Cergy-Pontoise, 17 novembre 2020, n°1910917).
L’on précisera que le juge des référés avait suspendu l’exécution de cette même décision de préemption, mais pour des raisons bien différentes – l’ordonnance correspondante avait fait l’objet d’un article en date du 23 octobre 2019.
GL le 2/12/2020