On le sait, les zones à urbaniser (AU) d’ores et déjà ouvertes à l’urbanisation, qui disposent à leur périphérie immédiate de voies et réseaux dotés d’une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de la zone et dont les conditions d’aménagement et d’équipement ont été définies par une OAP et/ou par le règlement du PLU, peuvent accueillir des constructions à deux conditions (art. R.151-20 c. urbanisme) :
- soit lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble,
- soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d’aménagement et de programmation.
Clarifiant une jurisprudence hésitante, le Conseil d’Etat a récemment posé le cadre dans lequel la réalisation partielle de l’urbanisation d’une zone AU peut être envisagée, en jugeant en ces termes (CE, 28 septembre 2020, n°426961, concl. Villette) :
« Une telle opération peut ne porter que sur une partie seulement des terrains de la zone concernée, sauf si le règlement du plan local d’urbanisme en dispose autrement ou si les conditions d’aménagement et d’équipement définies par ce règlement et par les orientations d’aménagement et de programmation du plan local d’urbanisme impliquent nécessairement que l’opération porte sur la totalité des terrains de la zone concernée. »
Aménager dans le cadre d’une opération d’ensemble exigée par le PLU n’est donc pas aménager en une seule fois. En effet, une opération d’ensemble est définie non pas par la procédure mobilisée mais par son but : « peu importe que cette opération se concrétise par une délivrance séquencée de permis, l’essentiel étant qu’elle permette une urbanisation globale de la zone en cause » (V. VILLETTE, concl. précitées, BJDU 5/2021 p.326),
Le Conseil d’Etat renvoie néanmoins au PLU le soin d’en définir les modalités, puisque ce principe est posé sous réserve :
- que les dispositions réglementaires ou de l’OAP du PLU n’imposent pas un périmètre unique d’opération ;
- que les conditions d’aménagement et d’équipement définies par le règlement et les OAP n’y fassent pas obstacle – « conditions qui, indirectement, rétroagissent sur la possibilité d’entreprendre un aménagement partiel. À titre indicatif, on peut penser à une exigence tenant à ce que le projet soit suffisamment grand pour disposer de tous les équipements nécessaires à sa desserte, ou à ce qu’il préserve la possibilité pour le reste de la zone de s’urbaniser correctement, dans le respect des orientations prévues. » (V VILLETTE, concl. précitées) ;
Dans ses conclusions sur cette affaire, Vincent VILLETTE ajoutait, en creux, que chaque phase de l’opération d’ensemble doit traiter, à due proportion de sa superficie, les exigences du PLU (en matière d’espaces verts ou de logement social par exemple)[1].
On pourrait ajouter : le fractionnement de l’opération d’aménagement ne doit pas conduire à la méconnaissance des obligations posées par le code de l’environnement en matière d’évaluation environnementale des projets ou de gestion de l’eau, ou encore par le code du patrimoine en matière d’archéologie préventive – sans prétendre ici à l’exhaustivité.
La question prend une acuité particulière avec la réforme attendue par décret de l’évaluation environnementale des projets, laquelle devrait introduire une procédure d’examen au cas par cas s’agissant des projets situés en deçà des seuils de l’annexe mentionnée à l’article R.122-2 du code de l’environnement, dès lors qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.
La réalisation d’opérations immobilières partielles en zone 1AU nécessite par conséquent une collaboration efficiente entre le porteur de projet et l’autorité compétente et la mobilisation des outils adéquats, de sorte que le projet partiel puisse être autorisé en toute sécurité et en prenant en considération et ce dès la délivrance de la première autorisation :
- à l’échelle de la zone définie par le PLU, la ventilation entre les phases des exigences du PLU (espaces verts, stationnement, logement social, etc.) et du financement des équipements publics induits par l’urbanisation globale ;
- à l’échelle du projet global au sens de l’article L.122-1 du code de l’environnement – dont on sait qu’il ne se réduit pas nécessairement aux périmètres des zones du PLU ou des autorisations – les exigences tirées du principe de prévention des atteintes à l’environnement – et notamment son évaluation environnementale.
Christophe AGOSTINI
Avocat associé, spécialiste en droit public
Concept Avocats
[1] En ce sens le commentateur au BJDU de l’arrêt écrivait : « nous partageons à titre personnel la piste suggérée par Vincent Villette dans ses conclusions, qui indiquait que les objectifs fixés à l’échelle de la zone devaient être respectés par chaque « opération d’aménagement d’ensemble », à due proportion de sa superficie, sauf à reporter, en cas d’opérations échelonnées dans le temps, toutes les contraintes sur les opérations achevant l’aménagement de la zone AU ».