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Répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en matière d’expertise

Par 6 août 2024Actualité

Une société, après avoir constaté plusieurs désordres à la suite de la réalisation de travaux d’enrobés sur sa propriété, a tout d’abord assigné, devant le Tribunal de commerce, l’entreprise responsable de l’exécution desdits travaux ; une expertise a alors été ordonnée par la Cour d’appel, après infirmation de la décision des juges de première instance, aux fins notamment de connaitre l’origine des dommages constatés.

L’entreprise mise en cause a ensuite saisi le juge des référés, cette fois du Tribunal administratif sur le fondement de l’article R.532-1 du code de justice administrative (CJA), demandant que l’expert, désigné par le Tribunal de commerce, puisse déterminer au contradictoire de la commune, compétente en matière de traitement des eaux pluviales, si les désordres pouvaient résulter d’un défaut de conception du réseau d’évacuation des eaux de pluie.

Dans le cadre de cette dernière instance, la commune a mis en doute la recevabilité d’une telle demande, soutenant d’une part, sur le fondement des articles 145 et 149 du code de procédure civile (CPC), qu’il revenait au juge judiciaire à l’origine des opérations d’expertise en cours de connaître de la demande d’extension de ces dernières et d’autre part, qu’il s’agissait bien en l’espèce d’une requête visant à « compléter » une mesure d’instruction préexistante ordonnée par le juge judiciaire, laquelle rendait inapplicables les dispositions du CJA.

La société requérante a alors soutenu d’une part, que le Tribunal administratif était bien compétent, puisque les dispositions précitées du CPC déterminaient les pouvoirs de la juridiction civile des référés et non sa compétence ratione materiae et que ces règles ne faisaient pas échec aux règles gouvernant la compétence respective des deux ordres de juridiction ; l’on rappellera ici une particularité du litige : les mesures d’expertises avaient été ordonnées par la Cour d’appel, rendant impossible l’attrait d’une nouvelle partie qui plus est non commerçant en appel.

Elle soutenait d’autre part, que la requête visait en réalité à ordonner une mesure d’expertise contre une partie non impliquée auparavant et que l’article R.532-1 du CJA était donc parfaitement applicable puisque s’agissant d’une « mesure utile » mettant en cause la responsabilité de la commune.

La question centrale de cette instance était donc de savoir si la requête devait être analysée comme une nouvelle demande d’expertise, relevant de la compétence du juge administratif, ou s’il s’agissait d’une demande d’extension de l’expertise initialement mandatée par la Cour d’appel, devant être traitée de nouveau par ses soins et donc par le juge judiciaire.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Caen a suivi l’argumentation de la société requérante, en indiquant que la mesure demandée lui paraissait utile et que « la perspective d’un litige éventuel contre la commune » créait une relation entre la commune et la société relevant de la compétence des juridictions administratives, indépendamment de la relation qui existait entre les sociétés qui relève du prétoire judiciaire en ce que les opérations d’expertises visaient à déterminer leur part de responsabilité dans la survenance de désordres.

TA CAEN, 22 février 2024, n°2302497

JBH/OBF/GL