Sources :
- Loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
- Loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;
- Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette période, telle que modifiée par l’ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 (version consolidée au 12 mai 2020) ;
- Ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction pendant la période d’urgence sanitaire ;
- Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2020-539.
Date de mise à jour : le 12 mai 2020 (mise à jour de notre note du 17 avril 2020)
Sommaire :
1.- Les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme
2.- La demande de pièces complémentaires
3.- Les délais de retrait des autorisations d’urbanisme
4.- Les délais de recours contre une autorisation d’urbanisme
5.- Les procédures de préemption
Dans le contexte de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a adopté une nouvelle ordonnance du 7 mai 2020 qui modifie de nouveau les délais en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction.
En effet, dans leur version antérieure, les dispositions particulières aux enquêtes publiques et aux délais applicables en matière d’urbanisme, d’aménagement et de construction (Titre II Bis de l’ordonnance n°2020-306) reposaient sur la date de cessation de l’état d’urgence.
Mais l’état d’urgence sanitaire a été prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 par la loi du 11 mai 2020.
Aussi, afin d’« éviter qu’une purge trop tardive des délais de recours contre l’autorisation de construire paralyse le secteur de la construction et constitue un frein important à la relance de l’économie […] et de permettre la reprise d’activité résultant de la fin de la période de confinement » (Rapport au Président), la nouvelle ordonnance prévoit de nouveaux aménagements des délais, indépendamment de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire.
L’ordonnance du 7 mai 2020 apporte également des éclaircissements bienvenus, s’agissant notamment des demandes de pièces complémentaires et du régime de retrait des autorisations d’urbanisme.
1.- Les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme
Dans sa version antérieure, l’article 12 ter prévoyait, s’agissant des délais d‘instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme et de certificats d’urbanisme :
- Une suspension des délais expirant entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence – soit le 24 mai 2020 selon la loi du 23 mars 2020 ;
- Un report à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire du point de départ des délais qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars et la fin de l’état d’urgence.
Les alinéas 1 et 2 du nouvel article 12 ter, issus de l’ordonnance 2020-539 du 7 mai 2020, maintiennent le terme de la période de suspension et la date de report des délais au 24 mai 2020, malgré la prorogation de l’état d’urgence sanitaire :
« Sans préjudice de la faculté de prévoir, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l’article 9, une reprise des délais par décret, les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme, y compris les délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction, ainsi que les procédures de récolement prévues à l’article L. 462-2 du même code, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter du 24 mai 2020.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 est reporté à l’achèvement de celle-ci. »
Sans changement, ces mêmes règles s’appliquent également « aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée à l’alinéa précédent » (art. 12 ter alinéa 3).
2.- Les demandes de pièces complémentaires
L’ordonnance n°2020-306, dans sa rédaction antérieure, semblait soumettre les demandes de pièces complémentaires aux règles fixées à l’article 7 et non à celles fixées dans l’article 12 ter applicables aux délais d’instruction en matière d’urbanisme.
Le délai de demande de pièces complémentaire d’un mois (art. R.423-38 code urbanisme) était ainsi suspendu ou reporté à l’expiration d’un délai d’un mois après cessation de l’état d’urgence – soit au 24 juin 2020 avant la promulgation de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire – tandis que le délai d’instruction était suspendu ou reporté au 24 mai 2020.
Cette incohérence a été corrigée par le nouvel article 12 ter qui aligne le régime de suspension et report des délais de demandes de pièces complémentaires sur celui des délais d’instructions.
Son alinéa 1 précise ainsi désormais que sont également visés « les délais impartis à l’administration pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction ».
3- Les délais de retrait des autorisations d’urbanisme
Dans sa version antérieure, le délai de retrait de trois mois des autorisations d’urbanisme semblait être toujours soumis aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance n°2020-306, malgré les dispositions spécifiques du Titre II Bis. Ce délai aurait ainsi été suspendu ou reporté jusqu’au 24 juin 2020 (avant la promulgation de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire).
Le nouvel alinéa 2 de l’article 12 ter précise désormais que les règles de suspension ou de report au 24 mai 2020 s’appliquent également « au délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d’urbanisme tacite ou explicite peut être retirée, en application de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme ».
4.- Les délais de recours contre une autorisation d’urbanisme
Comme pour l’instruction des autorisations d’urbanisme, les règles de suspension et report en matière de recours contre les autorisations d’urbanisme ne sont pas modifiées, si ce n’est pour découpler la date de fin de suspension et de report de la date de cessation de l’état d’urgence :
« Les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter du 24 mai 2020 pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 est reporté à l’achèvement de celle-ci. »
Ainsi, le délai dans lequel peut être formé un recours gracieux ou contentieux contre une autorisation d’urbanisme, – ou une décision de non-opposition à déclaration préalable – qui n’aurait pas expiré au 12 mars 2020, est suspendu jusqu’au 24 mai 2020. A cette date, le délai recommence à courir pour la durée restante – cette durée ne pouvant dans tous les cas pas être inférieure à 7 jours. Autrement dit, le délai expirera au plus tôt le 1er juin 2020 (le 31 mai 2020 étant un dimanche, le terme d’un délai de recours est reporté au jour ouvrable suivant).
Si ce délai n’a pas commencé à courir le 12 mars 2020, son point de départ est reporté au 24 mai 2020.
A noter également que le nouvel alinéa 3 de l’article 12 bis vise également :
- les recours formés à l’encontre des agréments prévus à l’article L. 510-1 du code de l’urbanisme lorsqu’ils portent sur un projet soumis à autorisation d’urbanisme ;
- les recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial dans les conditions prévues au I de l’article L. 752-17 du code de commerce.
Enfin, précisons que les incertitudes demeurent s’agissant du délai de 15 jours de notification des recours, prévu à l’article R.600-1 du code de l’urbanisme :
– s’il s’agit d’un délai applicable aux recours contentieux contre une autorisation d’urbanisme, l’article 12 bis lui est également applicable ;
– à l’inverse, les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 pourraient lui être applicables, ce qui impliquerait, compte-tenu de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus (art. 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, tel que modifié par l’article 1 de la loi n°2020-546 prorogeant l’état d’urgence), une prorogation du délai de notification à compter du 11 juillet 2020.
Compte-tenu des conséquences attachées à l’absence de notification du recours (l’irrecevabilité irrémédiable de la requête) et de la réouverture complète des services postaux depuis le 11 mai 2020, la prudence commande d’effectuer cette formalité dans le délai de 15 jours à compter du dépôt du recours.
Enfin, ajoutons que ces nouvelles dispositions passent sous silence l’articulation entre ce dispositif et les règles relatives au déclenchement des délais de recours par l’affichage continu et régulier sur le terrain des mentions prévues par le code à l’article R.600-2 du code de l’urbanisme (sur ce point, cf. notre note du 23 avril 2020 sur www.concept-avocats.com). Notre analyse n’est pas donc pas modifiée sur ce point et nous appelons les opérateurs à la plus grande prudence sur la question de l’affichage des autorisations.
5.- Les procédures de préemption
Les règles de suspension et report prévues pour les délais relatifs aux procédures de préemption au nouvel article 12 quater sont les mêmes que celles prévues en matière d’instruction des autorisations d’urbanisme :
- suspension jusqu’au 24 mai 2020 pour un délai ayant commencé à courir au 12 mars 2020 ;
- report au 24 mai 2020 d’un délai qui aurait dû commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020.
CA et SLG, le 12/05/2020.